Nous vivons dans un monde qui a érigé l’illusion au rang de vérité. Nous montrons rarement ce que nous ressentons, ce que nous pensons vraiment, ni même ne nous l’avouons !
La plupart de nos activités sont basées sur le déni d’une partie de notre réalité. Nous vivons dans une culture de la dissimulation, et le mensonge est au cœur de notre psyché. Il est un paradigme fondamental enraciné dans notre peur de disparaître et notre demande d’amour.
Nous sommes entraînés à créer des personnalités artificielles desquelles nous devenons dépendants pour obtenir de l’attention, être aimé, validé, reconnu, avoir du succès, bien vendre, garder ses acquis... Et « fonctionner » plus ou moins efficacement dans le monde.
Cette dépendance est un véritable piège liberticide qui nous coupe progressivement de notre véritable nature. Nous troquons notre réalité profonde contre un semblant d’intégration sociale. Nous sacrifions notre vérité,notreliberté, sur l’autel de la sécurité et de la conformité.
Notre attachement à une « image idéale » de nous-mêmes nous éloigne de notre sensibilité, nous empêchent d’expérimenter l’amour et nous prive de relations authentiques avec l’autre.
« Chaque fois que je tais une émotion (par peur de choquer l’autre et risquer de le perdre), chaque fois que je fais semblant d’être heureux (alors que profondément une parole ou un acte m’a blessé), chaque fois que je dis oui, alors qu’au fond c’est non (car j’ai peur qu’on me juge), chaque fois que je fais quelque chose de contraire à mon élan profond (pour satisfaire quelqu’un d’autre), chaque fois que je prononce des mots auxquels je ne crois pas (parce que j’ai honte de ce que je ressens vraiment)... Je me trahis et je m’éloigne de mon authenticité. »
À force de nous renier et de nous conformer, nous ne savons plus si nous sommes vraiment ce que nous voulons ou ce que nous aimons ! Ce qu’il y avait de personnel, de singulier, de différent, a été étouffé, gommé, caché.
Progressivement, nous organisons nos actions puis tout notre univers en fonction de l’autre. Cet autre auquel nous voulons présenter une « bonne image » (ce que nous pensons que nous devons être, faire ou dire) pour être aimé de lui ! Cet autre que nous finissons par installer au centre de nous-mêmes et duquel nous allons paradoxalement chercher à nous protéger pour préserver un minimum d’intégrité. Cet autre que nous devenons pour nous-mêmes, à force de nous juger, de ne pas nous respecter, de nous faire violence...
S’il est vrai que tous concourent à « visser » en nous la croyance que pour être aimé, pour être quelqu’un, il faut avoir certains comportements et pas d’autres... S’il est vrai que chacun tente, peu ou prou, d’utiliser l’autre pour combler ses propres manques, ses besoins d’amour, ses attentes... Pourquoi, cependant, se laisser manipuler ainsi ?
Et si, au lieu de chercher compulsivement l’amour de l’autre, nous éprouvions ce tendre sentiment d’amour en nous-mêmes ? Et si, au lieu de nous conformer aux attentes supposées de l’autre, nous répondions avant tout à notre Cœur, au plus proche de Sa Vérité ? Pouvons-nous regagner notre territoire intérieur, notre liberté d’être qui nous sommes vraiment ? Pouvons-nous prendre le risque de l’authenticité et de la transparence ?
« Contact intime, douloureux, avec mon sentiment de vulnérabilité, de petitesse.
Je sens comment il déclenche ma peur, mon insécurité.
Je vois comment cette peur me projette vers toi avec l’énergie du désespoir, pour me rassurer.
Des larmes retenues depuis longtemps ont jailli. De grandes eaux qui ont lavé mon cœur.
Un autre chemin que celui d’être fort...
Un petit sentier parmi les branches entrelacées où je me risque nu, fragile, avec la peur en laisse.
Je ne peux survivre à l’abandon de ce « mécanisme de déportation » qu’à une seule condition : accepter de tout ressentir, ressentir que tout peut être accueilli, en moi, sans conditions et sans limites.
Ouvrir la porte et laisser le flot passer, déborder même... Qu’importe !
Quand les eaux se retirent, on peut voir qu’elles ont dessiné un nouveau territoire : un creux moussu où il fait bon s’étendre...
Ce creux me ramène à la vraie Vie.
C’est là que je me sens Etre. »
C’est là que notre Ame nous attend, au cœur de l’intime, au cœur du Sacré.
Elle nous invite à accomplir ce voyage qui nous ramène à la vraie Vie.
Notre Âme n’en peut plus de ce mensonge permanent, de cette tyrannie intérieure ! Notre Âme ne veut qu’une chose : elle veut Sa Vérité ! Elle veut être libre ! Libre d’incarner ce pourquoi elle a entamé ce grand voyage... ! Pour cela il nous faut accepter de traverser tous ces passages étroits, ces « seuils intérieurs » qui nous semblent parfois infranchissables, et nous dépouiller de tout ce qui n’est pas nous, véritablement, en renonçant à être aimé, même, s’il le faut ! Curieusement, on ne trouve l’Amour qu’en lâchant le besoin compulsif de l’obtenir à l’extérieur... !
Ce grand voyage de l’Ame, c’est aussi le voyage de l’Amour qui veut s’incarner. Mais l’amour a besoin d’espace pour se déployer dans nos vies. Or, nous ne lui offrons la plupart du temps qu’un petit espace sombre, encombré d’un amoncellement de mémoires, de croyances et de conditionnement qui forme le voile au travers duquel nous percevons et interprétons la Vie. C’est ce voile que nous devons apprendre à soulever, à percer, pour sortir de l’illusion du désamour.
En effet, comment pouvons-nous incarner l’Amour si nous ne nous en croyons pas digne ?
Comment pouvons-nous même l’envisager, alors que nous sommes persuadés qu’il faut être ou faire quelque chose de particulier pour le mériter ? Et surtout, comment incarner l’Amour, alors que dans les oubliettes de notre psyché, git une petite « créature misérable » que nous avons abandonnée ? Elle est la blessure originelle, le fruit du désamour, totalement identifié à l’émotion du manque, au sentiment de non-valeur personnelle et d’indignité.
Elle est le désespoir. Elle est la somme de toutes les mémoires d’abandon, de rejet, de jugement, de culpabilité, de honte, vécues au cours de notre histoire. Elle est la somme de toutes les actions néfastes commises à l’encontre de soi-même ou d’autrui.
Nous l’avons rejeté, cachée, reniée et pourtant, elle existe en chacun de nous. Refoulée, mais néanmoins bien vivante, elle tire les ficelles de nos existences, depuis l’ombre où elle se trouve.
C’est elle qui porte la croyance profonde du manque d’amour et de la séparation. C’est elle qui cherche à compenser son sentiment de désamour dans ses relations avec les autres. C’est elle qui, se croyant nulle, indigne, inapte, génère une attitude, des comportements, qui ne sont pas en accord avec notre vérité profonde.
Nous la rejetons, nous ne voulons surtout pas savoir qu’elle existe en nous, surtout ne pas sentir cette "vibration" insupportable et pourtant omniprésente. Tout contact prolongé avec elle signe une sorte d’effondrement de l’image idéale que nous avons dû construire pour survivre. Et pourtant, à notre insu, elle se glisse entre nos yeux et la réalité.
Elle est ce filtre qui crée en nous l’inconfort, le mal-être, la dépression... Lorsque nous ne recevons pas suffisamment de manifestations d’amour, de gratification, de satisfaction, en provenance du monde extérieur. Ainsi, toutes les situations qui remettent en question nos rôles, nos masques, et les activités par lesquelles nous essayons de compenser notre sentiment de non valeur personnelle, renforcent notre sentiment d’être nuls, démasqués, vulnérables, perdus.
« J’y suis enfin ! Là où c’est intenable.
Là où la peur est plus forte que la conscience. Là où la honte et le désamour sont autant de déchirure, d’envie d’en fuir. Sentiment d’indignité, de solitude.
Là où ça ne respire plus, où le seul mouvement est celui de la fuite.
Je vois mon choix de chaque instant : vivre dans le mensonge, porter un masque, faire semblant.. plutôt que risquer de rencontrer, la honte, le sentiment d’être nul, inapte, indigne !
Je crois que si quelqu’un voit ce que je suis réellement, il va me juger, me rejeter.
Là, dans cet échange, dans cet autre... Il ou elle ne m’a pas validé.
Cest là, ça tremble, ça s’échappe. Surtout ne pas y aller !
Et si j’y allais... ?
Et si je restais là, à sentir ce qui se tricote dans l’ombre et qui me terrifie ?
Mon sentiment de nullité, l’enfant blessé, abandonné...
J’y suis ! Ça brûle de partout.
Pour rester entier, je me sens crier intérieurement que c’est l’autre le méchant !
Qu’il ne me comprend pas, qu’il se trompe, qu’il se croit supérieur à moi !
Si je ne peux pas le rejeter, je suis obligé d’accepter ma nullité ! C’est lui ou moi.
Je ne dois surtout pas montrer ce que je ressens vraiment.
Je dois lutter silencieusement pour ne pas m’effondrer et sauver les apparences...
J’y suis, ça brûle de partout.
Dans ma poitrine, il y a comme un trou. Ma peau brûle. J’ai envie de pleurer. Je reste.
J’accueille cette douleur, mon émotion. Ça dit que je suis nul, indigne d’être là.
Je la reconnais depuis l’an cette histoire...
Je reste.
C’est étrange, il y a comme un silence... Ah bon, ne plus fuir ? Pouvoir rester là ?
Je sens les muscles de mes épaules et de ma poitrine se relâcher, tout doucement, et permettre à un soupir de s’échapper.
Le trou dans la poitrine se remplit de douceur, la brûlure devient peu à peu une sensation de chaleur rassurante.
Cette chaleur, c’est de l’Amour. De l’Amour qui circule en moi, librement...
J’ai traversé.
Oui, nous pouvons rester là ! Oui, nous pouvons accueillir avec douceur et bienveillance ce flot d’émotions refoulées, de souffrances, de peurs et d’attentes. Être à l’écoute de ce qui est vivant et sensible en soi. Rester au plus près de nos mouvements intimes, les ressentir et les embrasser.
Porter un regard conscient sur nos événements (intérieurs comme extérieurs), pour éclairer nos schémas, nos croyances et nos conditionnements. De cette manière, nous pourrons « intégrer » les blessures et les traumatismes du passé, et nous libérer progressivement de nos dépendances affectives.
Ainsi, nous connaîtrons un sentiment de plénitude trouvant son origine dans notre nature profonde et authentique, au lieu de chercher à compenser le manque inhérent à la condition humaine au travers de nos relations.
Nous découvrirons alors que... l’Amour a toujours été là ! En nous, et tout autour, qu’il ne nous manque rien pour en faire pleinement l’expérience.
Auteur : Bodhiyuga